La neige s’abattait sur le paysage endormi de la réserve depuis tôt le matin, mais Jay Gladue, chef exécutif du LUMAMI cuisine nature au BALNEA, était affairé depuis quelques heures déjà, à la préparation des mets qui font la renommée de l’endroit. Il m’avait donné rendez-vous à la « maison bleue », un bâtiment en retrait sur le site, à quelques pas du BALNEA. C’est qu’en fait, bien que le LUMAMI fonctionne avec une cuisine sur place, le plus gros du travail de préparation se fait dans une cuisine spacieuse à la hauteur des ambitions du chef.
Un peu en retrait, nichée sous les arbres, la maison bleue trônait là sous les nuages. Des effluves invitants m’enveloppaient au fur et à mesure que j’investissais le terrain me séparant d’elle.
Jay, m’a accueillie alors qu’il transportait une caisse de grosses pommes rouges aussi brillantes que ses yeux lorsqu’il me raconte son métier, sa passion. Pour Jay, la cuisine c’est une façon de s’exprimer, de laisser parler sa créativité. Il m’a confié que lorsqu’il était plus jeune, il a pratiqué plusieurs disciplines artistiques et qu’à son grand bonheur, rien n’égale la félicité et le sentiment d’accomplissement qu’il ressent lorsqu’il crée de toutes pièces des assemblages de goûts et de textures.
Dans la cuisine de Jay, tout le monde s’affaire. Une petite équipe participe à la préparation des ingrédients; pendant que l’une coupe du bacon en cubes pour le faire sauter dans un gros chaudron, un autre met en sac des radis marinés maison. Jay me fait faire la tournée de sa cuisine et tout au bout, nous tombons sur Andrea, son collègue responsable de la fabrication du pain : « On m’appelle The Bread King! » m’a-t-il lancé en ricanant alors qu’il démoulait une énorme focaccia qu’il venait de cuire. Il m’en a tendu un bout; elle était encore plus spongieuse et savoureuse que je l’imaginais! Quel privilège de pouvoir mordre à pleines dents dans des produits d’aussi grande qualité, faits maison en plus.
Puisant dans ses racines cries, Jay Gladue a un profond respect pour la nature qui l’entoure et les aliments qu’il travaille. Il sait apprécier le labeur de la nature, il sait que les meilleures choses prennent du temps. Selon lui, il est primordial de mettre les ingrédients locaux de l’avant, d’encourager l’économie d’ici et les petites fermes avoisinantes. Ainsi, ses pommes proviennent directement d’un verger de la région, et ses légumes proviennent de la petite ferme biologique située littéralement au bout du chemin. Pas étonnant, donc, que ses plats, aussi inventifs et artistiques qu’ils puissent être, sont tout aussi savoureux et renversants. En été, on arrive à goûter les subtilités des tomates Heirloom, des herbes, des fleurs, l’automne venu les courges parfument les plats, puis l’hiver, les aromes sucrés et terreux des légumes racines volent la vedette. Avec un réseau bien développé de petits fournisseurs, le restaurant LUMAMI peut se permettre de miser sur une cuisine santé qui met la fraîcheur des ingrédients au premier plan. Jay travaille de concert avec de petits producteurs qui offrent chacun le fruit de leur travail; viandes, fruits, légumes, fines herbes, œufs, fromages, alouette! Tout est beau. Tout est bon.
Il m’a aussi montré avec grande fierté son projet personnel de charcuteries qu’il prépare et fait vieillir lui-même – de la pièce de viande fraîche qu’il fait reposer dans le sel kasher pendant deux semaines, jusqu’au processus de vieillissement qu’il assure depuis une installation rudimentaire, mais fonctionnelle. Saucissons et viandes patientent tranquillement accrochés dans une petite pièce propice à la conservation du degré d’humidité exact, nécessaire au processus. Un projet que Jay fait pour le plaisir, pour parfaire ses connaissances, pour maîtriser son art sous toutes ses formes. Comme on dit, on peut sortir le chef de la cuisine, mais on ne peut sortir la cuisine du chef!
Jay s’émerveille devant tout, autant que moi, comme si lui aussi découvrait son univers pour la première fois. Dans la préparation de sa raclette, un menu exclusif servi en cette période de grands froids, il sort des courges et des pommes de terre rôties, du jambon de canard fumé, des légumes marinés, et enfin une grosse meule de fromage Au Gré des Champs qu’il déballe tout en délicatesse avec grande fierté : « Si je pouvais avoir une énorme photo de ce fromage dans mon salon, je la regarderais tous les jours! Ça me rend vraiment heureux les belles choses qui portent les marques du temps! » me lance-t-il. « Ça, selon moi, c’est une vraie œuvre d’art! ».
Sur la route du retour, les parfums de la cuisine restés accrochés à mes cheveux, à mes vêtements, me replongent dans les détails de cette rencontre si inspirante. J’ai envie de créer des choses moi aussi, d’accorder plus de temps et d’importance aux ingrédients de chez nous – comme cette grosse pomme rouge et brillante que Jay m’a offerte avant de reprendre la route.
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