Malgré qu’elle annonce la fin des soirées à ratatiner dans un bain chaud, le printemps est ma saison préférée. Et pas seulement parce que je suis bélier.
Le printemps c’est très visuel, on voit la vie éclore et s’immiscer partout autour de nous. En nous. C’est flagrant. Les cônes et les bâtonnets font la fête au fond de nos yeux avec le passage du paysage du blanc au vert. Ça caresse les rétines. Mais pour moi, les bruits du printemps sont tout aussi enivrants et restent l’une des plus belles factures sonores sur l’étagère mentale de mes souvenirs les plus précieux.
Ce soir, au crépuscule, en revenant des serres je passe par l’étang près de la maison, elles sont là. Première fois qu’elles chantent si tôt dans mon livre à moi. Les grenouilles des bois en premier puis les crapauds d’Amérique, les rainettes crucifères, les grenouilles vertes et les rainettes versicolores. Y’a pas plus printemps que le chant des grenouilles et c’est sans aucun doute ma toune préférée.
Il fait noir et je suis maintenant assise dans le foin à la bergerie avec Mimi, un bébé mouton d’un mois dont je suis la gardienne pour quelque temps. Elle grignote la fermeture éclair de ma veste pendant que Cala, ma chienne, reste bien à l’affût du moindre bruit, couchée à mes côtés. Dans un calme partagé nous écoutons les grenouilles chanter et la pluie fraîche et nourrissante tomber sur le toit de tôle à la seule lueur rouge de la lampe chauffante qui réchauffe Mimi quand elle se couche dans son petit lit de paille. Moment féérique.
Au printemps, on peut presque entendre les feuilles pousser. Tout va si vite et si lentement à la fois. Ce grand ballet du vivant me fascine et m’émeut quotidiennement. La nature est si parfaitement orchestrée. Ses cycles perpétuels et évolutifs sont imbriqués les uns dans les autres et toutes les réponses s’y retrouvent.
Je constate pourtant la façon étrange dont nous avons appris à voir la nature comme étant distincte. Comme quelque chose où aller, où être, comme si nous pouvions ensuite nous en extraire lorsque nous retournons chez nous. Mais la nature est ici! Elle grouille autant en campagne qu’en ville. Elle est en nous, elle est nous.
La protéger, la chérir, lui redonner sa place, une place centrale dans nos vies c’est s’accorder tout cela à nous-même. Collectivement, je sens que l’éveil du printemps rime un peu plus chaque jour avec l’éveil des consciences.
La preuve? Vous vous dites en ce moment même que vous devriez savoir reconnaître le chant des grenouilles.
Mimi s’est endormie.
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