Il y a d’abord le printemps extérieur. Celui des journées qui allongent, des glaces qui fondent, des crocus qui se pointent le bout du nez, des bourgeons qui s’éveillent et des voiliers d’outardes qui mettent le cap vers le nord pour y passer la belle saison.
Vient ensuite le printemps intérieur. Celui qui nous fait sortir de la torpeur hivernale, qui nous fait entrevoir les actions quotidiennes avec plus de légèreté, qui nous donne envie de recommencer à bouger et à nourrir notre corps et notre esprit de manière plus naturelle.
Mais que savons-nous vraiment de notre dormance et de notre éveil, en tant qu’humains? Pourrions-nous bénéficier d’une philosophie du bonheur inspirée des rythmes saisonniers?
Observer la nature qui nous entoure et s’intéresser à la grande chorégraphie des cycles naturels peut nous en apprendre beaucoup plus qu’on pense sur notre connexion au monde et sur nous-mêmes. Mais pour cela, il faut d’abord accepter que nous sommes la nature.
Dans notre climat nordique, aucune plante ne se dit, en voyant l’automne arriver : “Ah non! Je refuse de me mettre en dormance. Il y a trop à faire, je dois travailler! Au diable le froid et la neige, je vais passer l’hiver à fleurir et à croître”. Même les conifères, qui restent verts toute l’année, se préparent à s’endormir pour les mois à venir.
Pourtant, nous qui sommes aussi soumis à des climats difficiles, à des froids sibériens et surtout, à un manque de luminosité causant fatigue et déprime saisonnière, nous refusons de ralentir. Nous nous imposons une performance surhumaine – été comme hiver.
Et si nous en profitions pour nous inspirer des plantes vivaces ou des ours noirs, par exemple? Sans nous imposer une hibernation totale, entrer en hivernation partielle pourrait nous aider à passer au travers des épreuves physiques et psychologiques auxquelles nous confronte l’hiver québécois et à reprendre des forces pour les saisons plus clémentes.
Semaines de travail réduites, davantage de télétravail et de temps passé à la maison, congé d’école de Noël à mars (pourquoi ne pas plutôt faire l’école en juillet et en août, alors qu’il fait clair jusqu’à 21h?), slow cooking, bains chauds, lecture, méditation, yoga, cocooning; voici quelques idées qui pourraient nourrir nos vies pendant que dehors, tout est sur pause.
Accepter ses noirceurs et ses fatigues, accepter que l’on a collectivement besoin de ralentir (surtout dans un pays nordique) et bien comprendre les effets du froid et du manque de lumière sur notre corps et sur notre psychologie, c’est simplement s’inspirer de l’intelligence de la nature – qui ne fait jamais rien pour rien – afin d’atteindre une vie plus équilibrée et plus sereine.
S’éveiller au printemps ne veut pas nécessairement dire que l’on doit tout à coup éclore en la plus belle fleur du jardin ou devenir l’arbre le plus garni de la forêt. Mais lorsqu’il y a dormance, il y a nécessairement éveil. Celui-ci nous donne l’occasion de redéfinir nos priorités pour les mois à venir et de choisir sur quoi nous déposerons notre énergie renouvelée.
Lorsque le printemps frappe, nous savons que nous aurons accès à beaucoup de lumière et à des ingrédients sains et vitaminés. C’est le temps de faire le plein de cette énergie vitale que nous procurent le soleil et la nature, de travailler fort, de planifier, de bouger, de gravir des sommets, de nager dans des lacs sauvages et de vivre notre vie pleinement.
Mais attention! Même dans cet élan estival, la vigilance est de mise. Dans le grand cycle des saisons nordiques, existent de plus petits cycles (le sommeil, les menstruations, la digestion, etc.) que l’on doit aussi écouter et respecter. Écouter ses cycles, c’est d’abord et avant tout être bienveillant·e envers nous-mêmes.
Notre équilibre émotionnel est aussi important que l’équilibre qui règne dans les écosystèmes naturels. Nous ne sommes pas différents des plantes et des animaux. Eux aussi se gorgent de soleil et jouent dans l’eau, profitent pleinement de la douceur de l’été et de l’abondance des ressources avant d’emmagasiner l’énergie et de se replonger dans l’introspective et régénératrice dormance hivernale.
On appelle révolution le cycle complet qu’effectue un astre sur son orbite. Et si l’on acceptait que nous sommes nous aussi, des astres en révolution ?
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